jueves, marzo 31, 2005

Il est des moments dans la vie où l’on a presque l’impression d’entendre l’ironique froufrou du temps qui se dévide,
Et la mort marque des points sur nous.
On s’ennuie un peu , et on accepte de se détourner provisoirement de l’essentiel pour consacrer quelques minutes à l’accomplissement d’une besogne ennuyeuse et sans joie mais que l’on croyait rapide,
Et puis on se détourne, et l’on s’aperçoit avec écoeurement que deux heures de plus ont glissé dans le vide,

Le temps n’a pas pitié de nous.

A la fin de certaines journées on a l’impression d’avoir vécu un quart d’heure et naturellement on se met à penser à son âge,
Alors on essaie d’imaginer une ruse une sorte de coup de poker qui nous ferait gagner six mois et le meilleur moyen est encore de noircir une page,
Car sauf à certains moments historiques précis et pour certains individus dont les noms sont écrits dans nos livres,
Le meilleur moyen de gagner la partie contre le temps est encore de renoncer dans une certaine mesure à y vivre.
Le lieu où nos gestes se déroule et s’inscrivent harmonieusement dans l’espace et suscitent leur propre chronologie,
Le lieu où tous nos êtres dispersés marchent de front et où tout décalage est aboli,
Le lieu magique de l’absolu et de la transcendance
Où la parole est chant, où la démarche est danse
N’existe pas sur Terre,

Mais nous marchons vers lui.

(Michel Houellebecq, La Poursuite Du Bonheur)