jueves, octubre 14, 2004

Le rafiot misérable
Regardez autour de vous, et regardez-vous vous-même: le monde grouille d'assassins, c'est-à-dire, de personnes qui se permettent d'oublier ceux qu'ils ont prétendu aimer. Oublier quelqu'un: avez-vous songé à ce que cela signifiait ? L'oubli est un gigantesque océan sur lequel navigue un seul navire, qui est la mémoire. Pour l'immense majorité des hommes, ce navire se réduit à un rafiot misérable qui prend l'eau à la moindre occasion, et dont le capitaine, personnage sans scrupules, ne songe qu'à faire des économies. Savez-vous en quoi consiste ce mot ignoble ? A sacrifier, quotidiennement, parmi les membres de l'équipage, ceux qui sont jugés superflus ? Les salauds, les ennuyeux, les crétins ? Ceux qu'on jette par-dessus bord, ce sont les inutiles - ceux dont on s'est déjà servi. Ceux-là nous ont donné le meilleur d'eux-mêmes, alors, que pourraient-ils encore nous apporter ? Allons, pas de pitié, faisons le ménage, et hop ! On les expédie par-dessus le bastingage, et l'océan les engloutit, implacable. Et voilà, ma chère mademoiselle, comment se pratique en toute impunité le plus banal des assassinats.

Hygiène de l'assassin, Amélie Nothomb

martes, octubre 05, 2004

Luna de abajo

Luna de abajo,
en el fondo del pozo,
blanca en la bocamina,
inmóvil
en las aguas del río
que no pueden llevarla
-a ella, tan ligera-
en su corriente.

Luna
que no refleja al sol
sino a sí misma,
igual que un sueño que engendrase un sueño.

Luna de abajo,
luna por los suelos
para los transeúntes de la noche,
que vuelven a sus casas cabizbajos.

Luna entre el barro, entre los juncos, entre
las barcas que dormitan en los puertos;
luna
que es a la vez mil lunas y ninguna,
evanescente, mentirosa luna,
tan próxima a nosotros, y no obstante
aún más inalcanzable que la otra.

Ángel González